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Les Catalans divisés face aux risques de la sécession

Le Parlement régional doit se prononcer jeudi sur « les conséquences de l’application de l’article 155 ». Une majorité de députés sont tentés par la proclamation de la..


Sécession ou élections ? Le doute a assailli les indépendantistes catalans après la décision du gouvernement espagnol d’appliquer l’article 155 de la Constitution, annoncée samedi 21 octobre et dont le vote au Sénat est prévu vendredi 27 octobre. Ces derniers jours, les réunions n’ont pas cessé, y compris de nuit, entre les différents acteurs du bloc indépendantiste catalan, pour fixer les prochains pas du gouvernement régional. Ceux-ci devaient être dévoilés à la fin de la séance plénière du parlement régional, jeudi et vendredi, pour aborder « les conséquences de l’application de l’article 155 », qui prévoit la destitution de la totalité du gouvernement régional de Catalogne et la mise sous tutelle de la région, accusée de « porter gravement atteinte à l’intérêt général ».
Trois options étaient encore sur la table jeudi matin : la convocation d’élections régionales, dans le but de désamorcer l’application de l’article 155 ; la proclamation de la République afin d’appliquer les résultats du référendum illégal du 1er octobre et aller jusqu’au bout du processus sécessionniste, suivie d’une forte mobilisation sociale prônant l’insoumission aux lois espagnoles ; ou bien une nouvelle déclaration symbolique d’indépendance immédiatement suivie de l’annonce d’élections dites constituantes, afin de jongler entre le respect du « mandat » du 1er octobre, la volonté de sortir de la crise actuelle par un nouveau scrutin et le désir d’éviter de lourdes peines de prison. En cas de déclaration de sécession, le procureur général de l’Etat espagnol, José Manuel Maza, a annoncé que le parquet pourrait porter plainte pour « rébellion », un délit passible de quinze à trente ans de prison.
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« Pas d’autre choix »

Mercredi matin, la convocation d’élections semblait encore possible, le président de la Catalogne Carles Puigdemont ayant laissé fuiter qu’il envisageait de se rendre devant le Sénat afin de défendre en personne son rejet de l’article 155, sans que cela ne soit à aucun moment officiellement confirmé. Finalement, il y a définitivement renoncé, « car le gouvernement espagnol a déjà annoncé qu’il appliquera de toute façon l’article 155 », a expliqué la Généralité dans l’après-midi. Madrid estime au contraire « qu’il a refusé une nouvelle fois de s’expliquer devant les institutions espagnoles, comme il l’a fait en janvier devant la conférence des présidents régionaux, en mai devant le Parlement et en juillet en refusant de participer à la commission d’experts pour l’étude de la réforme du financement régional ».


C’est ainsi la proclamation de la République qui semblait devoir l’emporter mercredi soir. Le vice-président du gouvernement catalan, Oriol Junqueras, a déclaré à l’agence Associated Press que l’Espagne ne leur« a pas laissé d’autre choix » que de proclamer l’indépendance. « Nous ne perdrons pas notre temps avec ceux qui ont décidé d’écraser l’autonomie de Catalogne. Continuons. #CatalanRepublic » a, pour sa part, publié sur Twitter Carles Puigdemont. Cependant, la réunion entre les principaux acteurs indépendantistes, convoquée à 19 heures, s’est terminée sans qu’aucune décision définitive ne soit prise, aux alentours de 2 heures du matin.
Durant plus de sept heures, les ministres régionaux, les représentants des deux partis qui forment la coalition Junts pel Si (Ensemble pour le oui) – le Parti démocrate de Catalogne (PDeCAT, droite) de Carles Puigdemont et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) –, des conseillers du président catalan, l’ex-président catalan Artur Mas, et les représentants des puissantes associations indépendantistes Assemblée nationale de Catalogne (ANC) et Omnium Cultural, ont cherché une position commune. En vain. Le gouvernement catalan devrait se réunir à nouveau à partir de 10 heures, jeudi 26 octobre.
Le PDeCAT est particulièrement divisé sur la question. Dans cette formation, héritière de l’ancienne Convergence démocratique de Catalogne de l’ancien président catalan (1980-2003) Jordi Pujol, cohabitent des nationalistes modérés et de fervents indépendantistes. Le ministre catalan des entreprises, Santi Vila, aurait ainsi menacé de démissionner en cas de déclaration unilatérale d’indépendance, selon la presse catalane.
Les pressions sur le gouvernement catalan sont très fortes. D’un côté, les indépendantistes les plus fervents de PDeCAT et ERC, la formation d’extrême gauche Candidature d’union populaire (CUP) et les associations ANC et Omnium Cultural tentent de convaincre le gouvernement catalan de ne pas reculer et de ne pas « trahir les résultats » du vote contesté du 1er octobre. Ces deux associations ont d’ailleurs convoqué un rassemblement devant le parlement catalan vendredi à midi pour faire pression en faveur de la proclamation de la République.
De l’autre, des représentants du patronat catalan et des grandes entreprises, inquiets de l’instabilité politique et juridique qui a déjà fait fuir près de 1 500 entreprises, des membres influents du PDeCAT, ou des figures de la société civile catalane, cherchent à convaincre le président catalan que la sécession n’a pas de sens, puisque aucun pays d’Europe n’est prêt à reconnaître l’indépendance de la Catalogne et que l’Etat espagnol s’y opposera. Les principaux quotidiens catalans enjoignent de ne pas diriger la Catalogne « droit dans le mur », selon le dernier éditorial de La Vanguardia.

« Congés maladie »

L’ancien ministre catalan de l’économie et bras droit d’Artur Mas, Andreu Mas-Colell, a encore averti le 24 octobre, lors d’une interview sur la radio catalane RAC1, que « ni la Généralité, ni le peuple ne sont en condition de rendre viable l’indépendance ». Et d’expliquer que « l’Etat est plus fort. Une proclamation d’indépendance serait un acte symbolique ».
Les indépendantistes les plus radicaux ne partagent cependant pas ces doutes, et beaucoup pointent du doigt l’impossibilité pour le gouvernement espagnol d’appliquer dans les faits l’article 155. Le ministre régional des affaires extérieures, Raül Romeva, a ainsi assuré lundi 23 octobre que les fonctionnaires « ne suivraient pas les ordres de Madrid » car « le peuple a choisi démocratiquement durant des années le gouvernement qu’il veut, le Parlement qu’il veut ».


Les directeurs de la télévision et de la radio publique catalane TV3 et Catalunya Radio ont averti que les travailleurs « n’obéiront pas aux nouveaux gérants imposés par le gouvernement espagnol » et n’accepteront pas d’« ingérence ». Des représentants des Mossos d’Esquadra, la police régionale, ont prévenu le gouvernement qu’il pourrait faire face à de nombreux « congés maladie ».
Néanmoins, les syndicats majoritaires parmi les fonctionnaires en Catalogne ont annoncé qu’ils n’appelleront pas leurs affiliés à la désobéissance.
Pour les indépendantistes, le soutien de la société catalane est indispensable. Ainsi, dans un argumentaire dévoilé le 24 octobre par la presse espagnole, le groupe parlementaire Junts pel Si pencherait pour la proclamation de l’indépendance « en légitime défense » pour l’application de l’article 155 et l’ouverture d’un processus de « résistance » citoyenne, indispensable pour que cette indépendance soit « effective ».
L’ANC a d’ores et déjà publié un calendrier de réunions pour aborder la résistance pacifique et la défense des institutions de la future République, et la CUP a tenu ses premières réunions pour élaborer des actions de « lutte non violente. »
Parallèlement, ERC et le PDeCAT ont présenté un recours pour obtenir la suspension de l’application de l’article 155, devant le Tribunal constitutionnel, dont ils n’ont pourtant pas reconnu l’autorité ces dernières semaines.

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